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Catégorie : Inclusion & égalité

Mobilité sociale : « l’école poursuit les inégalités »

Et tes parents, ils font quoi ? Une question simple mais qui en dit beaucoup plus que ce que l'on pense sur nous.

9 mars 2022 · Temps de lecture : 1 min

Leurs parents n’ont pas fait d’études supérieures. Eux, si. Les parents ont eu un accès limité à la culture. Elle fait partie de leur quotidien à eux. Eux, ce sont les transfuges de classe - ou transclasses selon la terminologie de la sociologue Chantal Jaquet - des individus issus de milieu défavorisé qui ont réussi à s’élever socialement en moins d’une génération.

On ne naît pas transfuge de classe

En France, il faut en moyenne 6 générations pour qu’une personne née dans une famille pauvre puisse accéder au revenu moyen. « Six générations, c’est 180 ans », insiste Adrien Naselli, journaliste et auteur du livre-enquête Et tes parents, ils font quoi ?. Un chiffre qui souligne avec force les efforts que représentent le parcours de ces transfuges des classes.

Cette ascension sociale fulgurante s’accompagne de difficultés et de questionnements dans la construction de son identité. Lui-même transfuge de classe, Adrien Naselli raconte ce phénomène de deux identités parallèles qui se développent. Une double identité qui peut créer de l’incompréhension dans le milieu d’origine tout en faisant face au mépris de classe de l’autre côté. Sans compter un récurrent sentiment d’illégitimité car même si on compte certaines figures connues parmi les transclasses comme les journalistes Ali Rebeihi et Nesrine Slaoui, l’auteur Nicolas Mathieu, ou l’ancienne ministre Aurélie Filipetti, leurs parcours demeurent des exceptions.

Un système scolaire qui reproduit les inégalités sociales

Seulement, 4% des personnes diplômées d'un Bac +5 sont enfants d'ouvriers non-qualifiés. À l’École Polytechnique, par exemple, on ne trouve qu’1% d’enfants d’ouvriers parmi les admis. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le système éducatif reproduit et conserve les inégalités sociales.

Pour Adrien Naselli, les causes sont multiples. On y retrouve un peu d’auto-censure, le fait de ne pas savoir comment fonctionne le système puisqu’on est pionnier dans sa famille mais aussi une réalité économique : celle d’avoir un emploi en plus de ses études. Une activité nécessaire mais chronophage qui fait « qu’on ne rattrape jamais vraiment ce retard qu’on a par rapport aux enfants de milieux cultivés et favorisés », conclut le journaliste. 

Un problème d’orientation

La reproduction des inégalités sociales est aussi une question d’orientation. Ainsi, au sein des familles où personne n’a fait d’études supérieures, seulement 20% discutent régulièrement de l’orientation à la maison, rapporte une enquête menée la sociologue Agnès van Zanten. De même, dans un milieu favorisé, 89% des ados déclarent vouloir faire des études supérieures alors qu’ils ne sont que 69% dans un milieu défavorisé comme le rappelle le sociologue Camille Peugny dans son livre Le Destin au berceau. Le milieu social pèse donc lourd dans les choix d’orientation professionnelle et le système éducatif actuel n’a pas encore trouvé comment répondre à cette problématique.