AccueilLe Gen Z LabRecrutement : « Avec nos tests, on réalise qu’un cycliste professionnel peut être un excellent conseiller bancaire. »

Recrutement : « Avec nos tests, on réalise qu’un cycliste professionnel peut être un excellent conseiller bancaire. »

  • lundi 13 novembre 2023
  • Edmée Citroën

Et si on recrutait autrement ? Pénurie de talents, mobilité interne, matching: tour d’horizon avec Djamil Kemal, cofondateur et CEO de Goshaba. L’entreprise révolutionne le recrutement grâce à l’évaluation des soft-skills via les sciences cognitives.

Pourquoi avez-vous créée Goshaba ?

Lorsque l'on cherche à évaluer les soft-skills d'un collaborateur, le principal test de personnalité est le MBTI, très utilisé dans le monde du travail. Il présente des limites : c’est un test donc les gens répondent ce qu’ils veulent. C’est donc biaisé, notamment par le biais de désidérabilité, via lequel les personnes répondent ce qu’elles pensent qu’on veut entendre. 

C’est aussi un sujet de perception : ceux qui ont confiance en eux vont avoir de très bonnes notes, les personnes qui ont moins confiance vont avoir de moins bons scores. Or, les personnes qui ont moins confiance en elles sont les femmes, les transfuges de classe et les CSP moins ! Il fallait donc un outil d’évaluation des soft-skills fondé sur une approche scientifique. 


Dans quels secteurs votre outil est-il utile ? 

Nous travaillons aussi bien pour Mac Donald’s sur des postes d’équipiers que pour Accenture pour des postes de consultant en stratégie, en passant par Monoprix. Nous n’avons pas de barrière ni sur le type de postes, ni sur l’industrie. On a différents types de clients : ceux qui ont beaucoup de candidats et nous utilisent en premier filtre pour sélectionner les candidatures qualifiées. 

D’autres n’ont pas de candidat du tout - on les aide à réorienter leur sourcing. On a aussi des recruteurs qui n’ont ni problème de sourcing, ni de volume mais qui cherchent simplement des profils performants.


« Pour être un bon commercial en banque, il faut être plutôt analytique que résilient ou empathique. »


Pourquoi l’évaluation des soft skills est-elle clé lors du recrutement ?

Je vais vous répondre par un exemple : alors qu’un de nos clients en banque recrutait des chargés de clientèle, leur hypothèse était la suivante : ils cherchaient des profils résilients à ces postes commerciaux. Au fil des exercices, nous avons constaté que leurs critères de réussite n’étaient pas les bons. 

Pour être commercial en banque, il faut être plutôt analytique que résilient/empathique, être capable d’analyser un dossier rapidement, d’en gérer plusieurs en même temps et enfin d’apprendre très vite. Le monde bancaire est un univers ou il y a souvent des changements de régulation. 


Une des personnes qui a majoré les tests est un coureur cycliste professionnel qui n’a aucune expérience en banque ou en vente ! Pourquoi ? Les cyclistes professionnels regardent leurs statistiques tous les jours, les analysent, réalisent plusieurs tâches en même temps. Enfin apprendre, c’est l’essence même d’un sportif de haut niveau ! Ce sont des compétences transposables. 


« Il n’y a pas de pénurie de talents mais un problème de matching entre offre et candidat. »

Quand on cherche un data-scientist, plutôt que de recruter des profils ayant un diplôme de data sciences, on peut adopter une autre approche et recruter une personne qui a non pas la formation mais les soft-skills qui correspondent. C’est l’approche de Goshaba. Grâce à nos tests, à la BNP, on s’est retrouvé avec des profils de vulcanologue ou de physiciens pour les postes de data-scientist ! 

Je crois que le plus gros problème RH, ça n’est pas de faire un mauvais recrutement, mais de ne pas prendre quelqu’un qui aurait fait le job, car il n’a pas le bon CV.

Il faut arrêter avec les critères de diplômes et passer à des critères de compétences et de valeurs. 


Comment évaluer les valeurs des candidats ?

Il y a un exercice que j’aime beaucoup. Quand je recrute, je demande aux candidats de me faire une présentation, puis, de me la refaire. Ils pensent que l’objectif c’est qu’ils aient une bonne présentation à la fin. Pour moi, ça n’a pas d’importance. Ce qui m’intéresse, c’est de voir si ils sont capables de prendre du feedback. 


Chez Goshaba, le comportement est hyper important. On irait peut-être plus vite si on ne recrutait que des requins; j’ai déjà arrêté avec des collaborateurs car ils ne parlaient pas bien à d’autres salariés en interne, alors même qu’ils étaient hyper-performants. Dans certains grands groupes, on préfère les gens performants, même si ce sont des salauds. 



Quelle est ta vision du recrutement de demain ?

Aujourd’hui, on passe d’un monde de CV à un monde de compétences. Demain on passera d’un monde de compétences à un monde de soft-skills. Les hard-skills deviennent automatisables. Dans les RH par exemple, 80% des tâches le sont déjà et avec chat GPT on est en train de passer à 95%. Dans ce contexte, y’a-t-il encore besoin de personnes maitrisant l’anglais ou Excel ? Moi ce qui m’intéresse plus dans mon recrutement, c’est la capacité à factoriser et ça, c’est une compétence transversale.


Quelles sont les perspectives de Goshaba ?

On développe actuellement un nouvel outil via lequel la personne postule non pas à un poste mais à une entreprise. Grâce à notre outil de matching, on lui trouve les postes pertinents selon son profil. Il arrive très souvent que les personnes ne postulent pas au bon poste.


Penses-tu qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas au bon endroit, professionnellement ?

Aujourd’hui, il y a deux phénomènes qui montent. Le premier, c’est l’écart entre les valeurs et les besoins financiers : « je travaille dans un grand groupe, j’ai un grand appartement, des enfants à UCLA et Harvard qui me coutent 100 K par an : vais- je faire du développement durable pour toucher 50K par an alors que j’en touche 150 K ? Non. »

La deuxième chose importante, c’est la progression de carrière. Avant on voyait des carrières horizontales. Aujourd’hui le seul moyen de progresser dans la vie, c’est de devenir manager, sauf que manager, c’est une compétence. Tu peux être technicien de haut niveau et hyper performer. 

Donc pour ces deux raisons-là, oui je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas au bon endroit professionnellement.