CDI/CDD, qui soulève qui ?
La sécurité de l'emploi ne fait plus rêver ? A l'heure de la grande démission et des désirs de rééquilibrer vie privée et vie professionnelle, le CDI serait-il passé de mode ? C'est aller un peu vite en besogne...
23 juin 2025 · Temps de lecture : 1 min

A ma droite, le champion en titre. Un palmarès irrésistible : le seuil des cinq millions dépassé l'an dernier (1), un record, et un engagement pris par près de trois-quart des personnes en emploi (2). Le contrat à durée indéterminée (CDI) reste un gage de sécurité, de stabilité et de protection. Le contrat qui rassure les banquiers et les proprios à l'heure de solliciter un prêt ou de louer un appart’, et vous assure une couverture sociale, une mutuelle, des congés payés, voire des tickets restaurants... Et pourtant, le Graal du travailleur a son challenger : le contrat à durée déterminée (CDD).
Un match joué d'avance ? Pas si vite. Ce dernier permet de rester le maître des horloges, de multiplier les expériences ou encore de voyager régulièrement - pourquoi pas grâce à la prime de précarité de 10% du brut perçue au terme du contrat. Tout sauf anecdotique, particulièrement chez des jeunes salariés chez qui « l'attachement au travail est tout aussi grand (que les précédentes générations), mais l'envie d'une vie polycentrique s'affirme ; c'est en tout cas une constante des enquêtes d'opinion depuis une quinzaine d'années », rappelle Maëzelig Bigi, maîtresse de conférences de sociologie au Conservatoire national des arts et métiers.
Vivre cent vies pro
Ce ne sont pas là les seules qualités du CDD. Pas de préavis au moment de rompre son contrat, pas de gêne lorsqu’il s’agit de partir du jour au lendemain, pas d'attache à votre employeur. Une opportunité de marché, une levée de fonds soudaine, et vous voici libre de tenter la grande aventure. L’époque est aux audacieux : plus d'un million d’entreprises ont été créées en 2022. De quoi séduire le self-made (wo)man qui sommeille en vous, non ?
Enchaîner les CDD, c’est également permettre aux cœurs d’artichaut et autres polyamoureux de tester mille et une vocations. Voire de les exercer simultanément. De quoi flatter le stakhanovisme des slasheurs et de la génération Z (vous, quoi) dont le tiers souhaite cumuler trois emplois ou plus. « Vivre même à demi, tant pis, mais vivre cent vies »… Mamie et sa Clio 2 qui envoyait du Jean-Jacques Goldman à 200 décibels en venant vous chercher à l’école l'avaient compris avant tout le monde : la carrière du futur sera plurielle.
Le CDI dopé par l’assurance-chômage
De quoi mettre le CDI dans les cordes ? Un jeune de la Gen Z sur deux estime même «qu'il a vocation à disparaître au profit du CDD et du travail en freelance ». Mais Rocky nous l’a appris : ne jamais mépriser un orgueil blessé. Touché, mais pas coulé (à l’inverse de l’intelligence humaine lors des projections de Creed 3), le contrat-phare s’est refait un santé avec la réforme de l'assurance-chômage adoptée fin 2022. L'instauration d'un bonus-malus sur les cotisations des entreprises va sanctionner le recours abusif aux contrats courts. Le refus de deux propositions de CDI à l'issue d'un CDD ou d'une mission d'intérim entraînera la perte de ses indemnités auprès de Pôle Emploi.
Un CDI à réenchanter
Mais le Graal des contrats de travail aurait tort de se reposer sur ses acquis. De la « grande démission » aux envies de rééquilibrage des vies professionnelle et intime, le voici pressé de réinventer son jeu. Il peut commencer par se défaire de sa mauvaise réputation, d’ailleurs exagérée : il n’est en rien un engagement pris à vie. Rien n’empêche de partir durant votre période d'essai - quatre mois maximum, et renouvelable une fois - ou de négocier une rupture conventionnelle, et ses droits au chômage. Il peut aussi se targuer de faciliter la formation continue - plus simple de mobiliser son CPF avec un seul employeur - et d'ouvrir la voie à de nouvelles compétences et carrières ? Les itinérants du monde du travail s’y sentiront moins à l’étroit.
Finalement, pourquoi vouloir trancher entre le CDI et le CDD ? A chaque âge, à chaque étape de sa vie et à chaque caractère son contrat. Ceux en pleine introspection ou en quête d’un second souffle préféreront enchaîner les missions courtes. D’autres auront envie d’un cocon, de s’épanouir en équipe ou tout simplement d’embrasser leur vocation; il sera temps de se poser. De manière indéterminée.
(1) Selon des chiffres des déclarations d'embauches provisoires publiés par l'Urssaf
(2) , selon l’Insee, 73,7 % des personnes en emploi étaient en CDI ou fonctionnaires en 2021

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