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Catégorie : Portraits

« Dans l’opposition entre personnes créatives et non-créatives, on a l’impression que la créativité est exclusive, et elle ne devrait pas l’être »

Directeur de création dans la publicité, Liam Fear nous raconte son parcours et comment son profil créatif le pousse à se renouveler sans cesse dans ses projets professionnels.

27 mai 2022 · Temps de lecture : 1 min

Genesis, épisode 4, Liam Fearn et la créativité

Je m’appelle Liam, je suis directeur de création dans la publicité.

Mon travail consiste essentiellement à m’assurer qu’une marque communique de manière cohérente et conforme à son message sur tous les points de contact : dans la presse, sur les affiches, à la télé ou sur les réseaux sociaux.

Après la fac, j’ai commencé à travailler pour un éditeur de magazines dans le service de régie publicitaire. J’ai très vite réalisé qu’il manquait un côté créatif dans mon travail.  J’ai postulé à beaucoup d’agences à Londres, j’ai reçu un brief pour une affiche destinée à encourager les gens à se laver les mains aux WC.

C’était mon premier brief, je ne savais pas trop ce que c’était. J’ai donc proposé des idées stupides, d’autres plus sûres, et j’ai eu le poste. Et ça fait maintenant 11 ans que je travaille dans la pub. 

Ce qui me faisait vraiment peur quand j’ai commencé, et qui me fait encore peur face à la nouveauté, c’est d’être perdu et que ça se voit. J’ai réalisé que c’est une bonne chose : c’est lorsqu’on est stressé et à la limite de ses compétences qu’on prend généralement des risques, car on ne connaît pas les règles. On tente quelque chose de différent et parfois, c’est notre meilleur travail.

J’ai travaillé pour différents clients de différents secteurs : la mode, le luxe, la beauté. Un projet qui a été très passionnant et important pour moi récemment est un projet de L’Oréal : Lessons of Worth. C’est une série de monologues avec chaque ambassadeur de L’Oréal Paris. C’était une façon d’explorer la signification de leur slogan, « Parce que je le vaux bien », à travers le prisme de ces ambassadeurs. Cela nous a donné l’occasion de parler du racisme, des préjugés, du harcèlement et du sexisme. Pour lancer la conversation, on a réalisé des vidéos qui ont fait beaucoup parler et qui ont montré le slogan sous un nouvel angle.

Je ne sais pas s’il est possible de toujours créer quelque chose de nouveau. Il y a tellement de choses qu’on a déjà vues, tellement de slogans partout. Pour se démarquer, tout dépend de la nouveauté qu’on y apporte ou de la façon dont on le compose. Je pense que la créativité, c’est : tu me donnes quelque chose que j’ai déjà vu et que tu as déjà vu, et quand je te le rends, tu penses ne l’avoir jamais vu.

Au début, on peut être attaché à ses idées et être un peu conservateur. Mais ce que j’ai réalisé avec le temps, c’est que, plus je parle à d'autres personnes, à des collègues qui ne sont pas dans la création, plus je vois qu’on a tous un point de vue et qu’on peut tous avoir une idée.  Ça ouvre l’esprit et donne des idées auxquelles on n’aurait pas pensé.

Tout est source d’inspiration. Une tenue peut me faire penser : « Ah, un personnage pourrait porter ça dans une pub ». Une peinture peut aussi inspirer un plan. Je pense que tout a indirectement une influence sur la créativité. 

Si vous voulez travailler dans la création, ne soyez pas trop sélectif au début. Tout est une occasion d’apprendre. Saisissez toutes les occasions pour créer, même si ça implique de s’imposer un sujet, comme choisir une marque et imaginer quelque chose pour cette marque.

Tout fera travailler votre muscle créatif. Si je dois écrire, je commence généralement par ne pas écrire, je laisse juste l’idée germer pendant quelques jours, je note sur mon téléphone les idées qui viennent ou si je lis quelque chose qui touche une corde sensible, etc.

Ensuite la phase d’écriture elle-même peut aller vite, car je l’ai fait mentalement pendant 3 semaines. Le processus reste invisible. Il est important de croire en ses idées. Ce que je trouve dangereux, c’est de rester coincé dans ses habitudes et de se reposer sur les mêmes mécanismes car alors, on n’évolue plus et c’est un peu le point mort de la créativité.

Ce que j’espère, c’est que je resterai curieux et que je ressentirai parfois ce sentiment d’avoir vraiment réussi quelque chose, ça fait du bien. J’espère aussi ne pas me sentir trop blasé de cette industrie de la publicité, ce qui peut arriver, car on prend des coups durs.

Si c’est le cas, j’arrêterai avant d’être poussé dehors, ou je continuerai à en profiter autant que possible.