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Catégorie : Portraits

« Nous allons devoir revoir notre façon d'apprendre à apprendre et à élargir nos compétences. »

Après son installation aux États-Unis à 5 ans et un diplôme de Stanford en poche, Jean Guo déménage en France et crée Konexio pour former les populations vulnérables aux compétences informatiques. Découvrez son histoire dans le premier épisode Genesis.

24 novembre 2021 · Temps de lecture : 1 min

Genesis, episode 1, Jean Guo et l'adaptabilité

« Je suis Jean Guo, fondatrice et directrice générale de Konexio, et mon rôle consiste à travailler avec les populations vulnérables et à améliorer leurs compétences numériques pour les préparer au travail du futur. Je suis née en Chine et j'ai déménagé aux États-Unis à cinq ans, vers Los Angeles, avec mes parents. Comme j'étais très jeune, j'ai très vite appris la langue, mais j'ai vu les difficultés, surtout celles de ma mère, qui ne parlait pas la langue, n'avait pas de réseau professionnel, et je suis donc devenue autonome très tôt, pour pouvoir l'aider.

Elle avait peur de parler au téléphone, par exemple, parce qu'elle ne comprenait pas son interlocuteur. Et je pense que c'est aussi là que j'ai appris à m'adapter, à apprendre et à me débrouiller toute seule assez jeune. Quand on est au lycée, c'est la période où on décide à quelles universités postuler, et je pense que je n'avais pas assez confiance en moi pour tenter les meilleures écoles. Je pense que sans les bons mentors, les bons professeurs, et sans ma mère, qui m'a vraiment poussée, je ne serais jamais entrée à l'université de Stanford.

J'avais deux spécialités : la biologie et l'économie. J'ai commencé comme analyste dans une société de conseil, puis j'ai obtenu une bourse Fulbright pour venir en France. À l'École d’économie de Paris j'étudiais l'économie de la santé, et l'intégration des populations vulnérables. Au début, à mon arrivée, je n'avais pas vraiment prévu de faire de la recherche, de commencer quelque chose après seulement quelques mois mais j'ai entendu tellement de gens me dire : « je vis ici mais je ne me sens pas intégré à la communauté, alors que ça fait des mois, ou des années », je me suis dit que je pouvais essayer d'agir.

À l'époque, je me suis rendue dans des cybercafés à Paris, des espaces dédiés aux gens qui n'ont pas forcément d'ordinateur, et j'ai demandé à 15 d'entre eux s'ils pouvaient accueillir un cours que je voulais créer pour un groupe d'étudiants. Quatorze ont refusé, mais l'un d'entre eux a accepté de nous accueillir gratuitement. C'était le début de Konexio. Une salle de classe, et un petit groupe d'élèves. J'ai recruté un petit groupe de volontaires, qui ont donc été la première cohorte que j'ai lancée, en 2016.

Je dis toujours qu'il y a deux types d'entrepreneurs : ceux qui ont toujours voulu l'être, et qui ensuite trouvent l'idée, et ceux qui, confrontés à un problème qu'ils veulent vraiment résoudre, cherchent une solution. Je pense être dans la deuxième catégorie : j'ai trouvé un gros problème que j'ai cherché à résoudre, ce qui m'a amenée à créer Konexio. 

L'adaptabilité va devenir une constante dans nos vies, car quand on regarde où on se situe en matière de compétences, nos compétences d'aujourd'hui ne seront pas celles de demain. Et nous savons par exemple que, d'ici 2030, nous aurons besoin d'emplois qui n'existent pas encore. Comment se préparer avec un tel degré d'incertitude, à des emplois qui n'existent pas ? Plus important encore, nous allons devoir revoir notre façon d'apprendre à apprendre et à élargir nos compétences. Peut-être que vous ne vous sentirez jamais totalement prêt, et ce n'est pas grave.

J'ai fait du patinage artistique quelques années, et j'y ai appris que, quand on tombe, on se relève. On apprend à se ressaisir, et je pense que ça m'a aussi aidée à devenir résiliente et déterminée.

Tant de choses étaient difficiles au début. Mon français n'était pas parfait, donc on se moquait de moi quand je faisais des exposés, juste en face de moi. J'ai dû me justifier de nombreuses fois, dire pourquoi j'étais légitime, au vu de mes compétences, à diriger cette société. Ces moments permettent d'apprendre, et, pour moi, ils m'ont par exemple permis de me dire : « D'accord, je pense pouvoir améliorer mon discours. Je peux améliorer la manière dont je parle de Konexio, et l'utiliser comme motivation pour devenir encore meilleure. »

Nous sommes les acteurs de notre propre vie, et je crois sincèrement que nous avons le pouvoir d'accomplir quelque chose, et de changer beaucoup de choses. Pour moi, il s'agit d'être capable d'agir jour après jour. Le bonheur n'est pas un acte passif. Il nous demande d'agir et de faire des efforts pour devenir plus riches et plus épanouis. »