Pénurie d’ingénieurs : les secrets du recrutement d’ALTEN
- vendredi 6 juin 2025
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Stéphane Dahan est Directeur du Recrutement des Ingénieurs de la multinationale ALTEN, spécialisée dans l’ingénierie et le conseil en technologies. En France, le Groupe recrute chaque année environ 3 000 ingénieurs.
Comment faire face à la pénurie de jeunes diplômés ingénieurs et les fortes tensions sur le marché du recrutement ? Nous avons interrogé Stéphane Dahan, qui nous partage dans cet article son regard sur le secteur - et ses conseils pour repenser une stratégie de recrutement orientée Gen Z !
Certains médias font état d’un déficit annuel de 20 000 ingénieurs. Partagez-vous ce constat ?
Stéphane Dahan : Il y a une pénurie d’ingénieurs, en particulier en France. Elle est notamment liée à un manque d’attractivité pluriel.
D’abord, nous manquons encore de femmes dans ces filières.
Ensuite, certains jeunes diplômés ne s’orientent pas vers les métiers techniques “traditionnels”, dans l’industrie, et vont plutôt choisir des secteurs comme la finance.
Enfin, les ingénieurs français s’exportent très bien et sont très demandés à l’international.
La situation est donc doublement complexe : en amont, on manque de candidats formés chaque année dans les écoles, et notamment de femmes. En aval, à la sortie de leurs études, on a aussi une déperdition vers d’autres métiers et filières.
Cela dit, le fait que l’on traverse une pénurie est une très belle opportunité pour les jeunes ingénieurs. Car forcément, lorsque les entreprises peinent à recruter des seniors, elles se tournent vers les plus jeunes.
Y a-t-il des secteurs ou des métiers particulièrement pénuriques, comme le machine learning (ML) ou l’intelligence artificielle (IA) ?
Stéphane Dahan : Les secteurs sur lesquels nous recrutons le plus ces derniers temps sont l’énergie, l’aéronautique et la défense. En France, on observe aussi une demande dans le transport ferroviaire et la santé. Par ailleurs, l’Intelligence Artificielle (IA) change la donne : tous les secteurs sont impactés, ce qui crée un fort besoin sur de nouveaux métiers liés à l’évolution de cette technologie.
En ce qui concerne les tensions sur certains métiers spécifiques, il est clair que sur le marché, il n’y a pas assez de profils experts en nouvelles technologies comme l’IA et le ML. Nous ne souffrons pas pour autant du manque de candidats qualifiés sur ces sujets, car les métiers de l’informatique sont des postes sur lesquels les talents doivent être dans une posture de lifelong learning, du fait des évolutions constantes et rapides des technologies.
Chez ALTEN, nous offrons d’ailleurs à nos ingénieurs des dispositifs de reskilling pour les aider à changer de métier, en s’appuyant sur une base de compétences existantes. Le métier d’ingénieur reste un métier d’apprentissage, et c’est ce qui fait sa richesse : apprendre à apprendre, toujours en réponse aux besoins et évolutions du marché.
De manière globale, nous œuvrons à sensibiliser l’ensemble de nos collaborateurs aux nouvelles technologies de rupture. Nous avons ainsi conçu un programme d’intégration à une formation pour tous les métiers, même non techniques, pour sensibiliser à l’usage de l’IA. Pour les profils techniques, des programmes de reskilling permettent d’envisager des reconversions et des évolutions en interne. La formation continue, même des plus jeunes recrues, nous permet de pallier d’éventuelles pénuries de compétences.
Comment s’organise votre stratégie de recrutement ?
Stéphane Dahan : Nous organisons notre approche en deux temps :
- La notoriété, qui consiste à faire rayonner la marque employeur d’ALTEN, notamment sur les réseaux sociaux comme Instagram et LinkedIn, et à travers des actions terrain fortes, réalisées avec les écoles d’ingénieurs. Nous avons développé plus de 50 partenariats avec des établissements d’éducation, dans lesquels nous intervenons pour présenter nos métiers. Nous avons aussi des relations avec la vie associative de nombreuses écoles, nous sommes présents aux forums et aux événements… La stratégie de notoriété est pensée sur le moyen-long terme et alimente notre sourcing ;
- Le recrutement, qui s’inscrit dans le court terme. Nous sommes présents sur des plateformes numériques de sourcing, mais aussi les réseaux sociaux, où nous relayons nos offres d’emploi.
Quels sont les plus grands défis du recrutement de jeunes ingénieurs ?
Stéphane Dahan : Le plus complexe pour ALTEN, c’est de trouver des ingénieurs qui ont la culture du conseil. Dans les écoles de commerce, on développe beaucoup plus les compétences douces à travers des soutenances, des projets entre collègues, etc. Dans les écoles d’ingénieur, je pense qu’on peut encore s’améliorer sur ce point !
Ce qui est important pour nous lorsque nous recrutons des jeunes, c’est surtout leur capacité à développer leurs soft skills : capacité d’adaptation, communication, travail en équipe… C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un processus hybride qui intègre des mises en situation et l’évaluation des interactions avec les candidats.
Comment évaluer les soft skills chez des jeunes candidats inexpérimentés ?
Stéphane Dahan : Pour évaluer les soft skills, il n’y a pas de secret : il faut mettre en place des entretiens d’évaluation en face à face. C’est un gros sujet dans l’univers du recrutement, car nous avons évolué vers des processus très numérisés et automatisés.
Les entretiens à distance rendent difficile l’évaluation de compétences douces, comme le leadership ou l’écoute active… Chez ALTEN, nous tenons à maintenir un processus hybride qui intègre des temps en présentiel permettant une évaluation en direct, de la mise en situation, des interactions authentiques.
Quelle est selon vous la clé d’une marque employeur attractive ?
Stéphane Dahan : Plutôt que de parler de stratégie marque employeur, ce qu’il faut avec les jeunes, c’est parler vrai. L’essentiel est d’être soi-même, cohérent avec son ADN de marque. Dans un marché pénurique, rien ne sert de vendre du rêve ! Les jeunes arrivent, voient ce qui se passe en interne et n’hésiteront pas à repartir si la réalité de l’entreprise ne correspond pas à ce qu’on leur avait promis.
Pour attirer les jeunes talents, il est important de leur montrer concrètement le travail qu’ils vont faire et son impact. Ainsi, lors des événements de recrutement, ALTEN est représenté par les profils techniques qui racontent avec transparence ce qu’ils font au quotidien.
Racontez-nous une campagne de recrutement récente sur la Gen Z qui a particulièrement bien marché
Stéphane Dahan : Dernièrement, nous avons organisé une campagne de recrutement sur les métiers de l’aéronautique qui a très bien fonctionné. Nous l’avons abordée en travaillant sur les deux axes mentionnés précédemment : notoriété et recrutement.
La temporalité était importante : nous avons beaucoup communiqué sur une période donnée, sur l’ensemble des canaux sur lesquels nous sommes présents, en nous appuyant sur les équipes RH et terrain, le marketing, les managers… Nous sommes allés jusqu’à envoyer des messages directs à certains profils identifiés. Je crois que les clés du succès sont simples : humaniser sa communication, parler vrai, et se rendre incontournable en publiant à forte intensité sur plusieurs réseaux, afin de créer une caisse de résonance et rendre les offres visibles auprès de la Gen Z.
Quels sont vos 3 conseils ultimes pour recruter de jeunes ingénieurs ?
Stéphane Dahan : Une chose que les recruteurs ne font pas assez - et ce n’est pas un exercice facile - c’est de faire des feedbacks. Il est pourtant essentiel de tenir le candidat informé, de maintenir une communication fluide dès lors que l'on déclenche un processus de recrutement.
Par ailleurs, il est de plus en plus important de savoir adapter son processus de recrutement aux candidats que l’on rencontre. Cela peut être la fréquence des entretiens, le choix des acteurs qui vont les mener... Plus le processus est personnalisé pour le candidat, plus son adhésion sera élevée !
Enfin, un gros enjeu pour les RH au-delà du recrutement, c’est l’intégration - elle ne s’arrête pas à la signature du contrat de travail, comme le pensent beaucoup, mais plutôt à la fin de la période d’essai. Comment intègre-t-on ces jeunes dans la culture d’entreprise, dans le monde du travail ? Comment les manage-t-on ? Comment les matcher avec un mentor, pour s’assurer d’une intégration réussie ? C’est cette dernière qui assurera que la suite se passe bien. Le recrutement sans l’intégration peut s’avérer complexe et déceptif.