Comment faire de l'IA un atout dans le processus de recrutement ?
- jeudi 15 mai 2025
- JobTeaser
Entretien avec Émilie Ornon, HR Business Partner & Lead Recruiter chez JobTeaser, et Benjamin Aubertel, CTO chez JobTeaser

Encouragés par le déploiement de masse et rapide de l’Intelligence Artificielle et des IA génératives, de nombreux candidats s’appuient désormais sur des outils comme ChatGPT pour augmenter, accélérer ou amplifier leurs candidatures. Quelles conséquences pour l’univers des RH, et comment repenser la fonction recrutement à l’aune de l’ère de l’IA ? On a posé la question à deux spécialistes chez JobTeaser.
Comment identifiez-vous les talents qui utilisent l’IA dans le cadre de leur candidature ?
Émilie Ornon (EO) : Aujourd’hui, malheureusement, on détecte l’usage de l’IA sur des indices très basiques. Ce que j’observe en majorité, c’est qu’il y a vraiment un clivage : soit les candidats ne l’utilisent pas du tout, soit ils s’appuient dessus à 100% et font de grosses erreurs d’attention qui les trahissent.
Les candidats vont par exemple rédiger un texte dans lequel on sent la « patte » assez uniforme et générique de ChatGPT. Beaucoup oublient de personnaliser et adapter les contenus (par exemple, en laissant un élément entre crochets qu’il aurait fallu modifier).
Par ailleurs, lorsque des candidats ont préparé un cas avec ChatGPT et qu’on les challenge à l’oral en direct, la qualité peut s’avérer bien différente. Par exemple, j’ai demandé récemment à un candidat après un premier échange d’analyser la stratégie de communication sur les réseaux sociaux de JobTeaser et de me proposer des pistes d’amélioration. 5 minutes après notre échange, il m’envoyait un mail de 40 lignes - une prouesse impossible pour un humain !
Selon vous, comment l’IA transforme-t-elle la manière dont les jeunes candidats postulent ?
Benjamin Aubertel (BA) : Chaque jour, de nouveaux outils sont créés et facilitent le mass apply (la candidature en masse, NDLR) des candidats. On va vers un monde où en quelques clics, des IA postulent pour un candidat sur des milliers de jobs !
Nos clients nous l’affirment avec certitude : la quantité des candidatures et la capacité à remplir un pipe de recrutement n’est plus un sujet. En revanche, la qualité de ces dernières devient un enjeu phare.
Émilie Ornon (EO) : Aujourd’hui, l’usage de l’IA est plutôt vu de manière négative, car les recruteurs ont du mal à évaluer les compétences de la personne. À mon sens, il faut trouver un juste milieu. On a besoin d’évaluer le fait que les candidats sachent l’utiliser, par exemple sur des postes qui demandent de réaliser beaucoup de tâches chronophages. Peuvent-ils s’aider de l’IA pour réduire le temps passé sur les tâches à faible valeur ajoutée ?
Quel est l’impact sur les recruteurs et leur stratégie ?
Benjamin Aubertel (BA) : Je pense que cette situation et l’accélération des candidatures, autant dans la démarche de postuler que dans celle d’utiliser l’IA pour répondre à des case studies, par exemple, ouvre trois grands chantiers pour les recruteurs :
- Le premier, c’est la question de « dégrossir » le pipe de candidats qui postulent, pour envoyer aux hiring managers uniquement les candidats qualifiés. C’est un vrai enjeu pour les entreprises, qui va certainement accompagner la transformation des ATS dans ce sens. On peut imaginer un futur dans lequel l’IA du candidat dialoguera avec celle du recruteur, pour évaluer la pertinence de la candidature et la probabilité du match, avant d’organiser un entretien entre humains !
- Le second, c’est celui du processus de recrutement. L’IA remet en quelque sorte la balle au centre. Le prisme de réflexion traditionnel n’est plus bon : il faut le repenser pour faire en sorte que l’IA ne passe pas au travers du processus de recrutement. Le jeu a changé, il faut rebattre les cartes. Demain, le CV sera-t-il encore utilisé ? Rien n’est moins sûr ! Les recruteurs demanderont peut-être plutôt aux candidats de produire une vidéo, de travailler sur une démo live, ou se tourneront vers chasse active de profils singuliers, plutôt que de faire du remplissage plus classique de pipe… Tout reste à construire.
- Le troisième, c’est la question **du passage à l’échelle du processus de recrutement. On voit bien que de nombreuses entreprises reviennent aux entretiens en présentiel, pour jauger plus directement des compétences et des comportements des candidats. Mais le problème, c’est que ce mode de recrutement est difficile - voir impossible - à scaler !
À quoi pourrait ressembler le processus de recrutement idéal à l’ère de l’IA ?
Émilie Ornon (EO) : Je pense que la clé repose dans le fait de trouver un bon équilibre entre temps en présentiel et distanciel durant le parcours de recrutement - pour évaluer à la fois leurs hard skills et leurs soft skills, mais aussi sur la capacité des RH à mesurer les compétences des candidats en termes d’emploi des outils d’IA.
Par exemple, pour les candidats à des postes de managers, nous proposons systématiquement un use case de management qui les confronte à un cas pratique et concret, mais l’idée est d’essayer de faire en sorte qu’ils ne préparent pas trop en amont. Ce qui nous importe, c’est qu’ils aient un échange avec leurs futurs collègues potentiels, plutôt que de travailler pendant des heures avant de venir dans nos bureaux.
Par ailleurs, essayons d’intégrer dans le processus de recrutement à la fois l’évaluation d’une production faite à l’avance (et donc, potentiellement avec l’IA), mais aussi des questions tournées vers des mises en situation qui vont challenger le candidat et révéler sa personnalité, comme « comment tu réagis si ton manager n’est pas d’accord avec toi ? » Les candidats étant désormais augmentés sur la partie hard skills, on va beaucoup plus attendre de leur part qu’ils sachent valoriser leurs soft skills.
Benjamin Aubertel (BA) : Pour moi, tout l’enjeu consiste à imaginer un processus qui permet de faire émerger parmi la mer de CVs parfaits - qui ne sont plus un élément différenciant - les quelques profils qu’on aura envie de faire venir dans nos bureaux et confronter à nos équipes.
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