Catégorie : Éthique & business

Le discours managérial et ses dérives

Comment le discours utilisé en entreprise peut-il être nocif ?

18 juillet 2022 · Temps de lecture : 1 min

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Ces dernières années, un nouveau mode de communication s’est développé en entreprise. Avec les CEO, les business développer et les talent acquisition manager, l'utilisation de néologismes et d’anglicismes par les managers reflète un phénomène bien particulier : la novlangue managériale. C’est une nouvelle façon de s'exprimer, avec ses codes et ses pratiques, observée particulièrement dans le monde des start-ups. Mais son utilisation peut s’avérer parfois nocive particulièrement quand elle est pratiquée pour gérer les situations compliquées de l’entreprise. 

La novlangue, de la fiction à la réalité 

Le terme novlangue est la traduction française du Newspeak, une langue imaginée dans le  roman 1984 de George Orwell. Dans son livre, l’auteur décrit une nouvelle langue dont le but est de vider les mots de leur sens, de simplifier la langue au maximum afin d’éviter toute pensée critique de la population.

Ces dernières années, plusieurs sociologues et anthropologues se sont inspirés de ce terme pour décrire un nouveau mode de communication utilisé par les managers de l’entreprise et de grandes organisations pour fédérer un groupe. C’est la novlangue managériale. Utilisé pour décrire un type de discours spécifique à l’entreprise, le mot novlangue n’est pas systématiquement utilisé pour définir une démarche qui peut nuire. Agnès Vandevelde-Rougale, docteure en anthropologie et sociologie, précise que la novlangue managériale, « ce n’est pas nécessairement dans une visée manipulatoire, ça peut juste être parce que ça facilite le fait de travailler ensemble ».

Les caractéristiques de la novlangue 

Pour reconnaître la novlangue managériale, il y a plusieurs indices. L’utilisation du tutoiement, de néologismes ou encore d’acronymes. Tout un lexique qui permet de fabriquer un discours  destiné à fabriquer une culture, un esprit d’entreprise commun. On peut ainsi penser au Chief Happiness Officer ou à l’appel de “Rejoindre la communauté” comme mots et expressions issus de la novlangue. Agnès Vandevelde-Rougale nous donne un exemple avec l’utilisation du terme N+1 (le responsable hiérarchique): « cela montre cette dimension de « ressource » des humains qui sont mis au service de l’organisation et qui sont remplaçables, en fait. On peut remplacer un N par un autre N ». 

Une langue qui limite la diversité de points de vue

Plusieurs sociologues comme Agnès Vandevelde-Rougale alerte sur les limites de la pratique de la novlangue à outrance dans le monde de l’entreprise. Particulièrement sur les conséquences en matière de souffrance au travail : « Le fait de voir les choses au prisme de la rhétorique managériale, qui met l’accent sur l’autonomie, la responsabilité, les bonnes relations à soi, aux autres, amène à se remettre en question d’abord soi-même éventuellement à culpabiliser, par exemple de ses échecs, mais sans interroger le contexte aussi, qui a pu favoriser cette souffrance ou ces échecs. On peut passer à côté d'autres facteurs qui sont pourtant importants », explique-t-elle. Selon une infographie Technologia/FranceInfo il existe 3,2 millions d’actifs qui présentent un risque élevé de développer un burn-out en France. 

Eviter les effets néfastes du discours managériales

Comment se prémunir quand on baigne dans ce type d’environnement ? La solution la plus simple est de ne pas s’approprier entièrement les codes de l’entreprise et le discours managérial, « se rappeler qu’il n’y a pas qu’une seule manière de dire, de laisser en fait la porte à d’autres paroles. » souligne l’experte. Il existe également de nombreuses initiatives comme Balance Ta Start-Up ou Balance Ton Stage pour lire des témoignages de discours managériaux nocifs pour se prémunir.